Je ne me sens vaguement intelligent qu’au contact de la parole des autres. Là, je m’épate un peu (parfois). Disons que je m’écoute penser comme je regarderais passer une jolie personne : charme de l’éphémère, de la beauté vue de face, qui ne se recréera jamais devant un miroir ni dans l’exercice de la solitude. Je ne me trouve d’intérêt que lorsque je m’observe avec cet étrange effet de distance que provoque le commerce avec autrui.
Un peu comme si j’envoyais au devant de mes interlocuteurs un avoué, un fondé de pouvoir, un homme de confiance en charge de négocier (plutôt bien, plutôt toujours mieux avec le temps – bénéfice des affaires de l’âge, encore) avec l’extérieur.
Quand je reviens à moi-même, seul à seul, le délégué a pris congé. La qualité des échanges, forcément, en prend un coup.
“On devient mieux ce qu’on est dans la relation à l’autre.” (Robert Bober)
“Au commencement est la relation.” (Martin Buber)
Limites immédiates, buts élevés : là se tiennent les fissures.
Être riverain de sa vie comme de la vie des autres. L’homme d’à côté. Discret – ne fera pas de vagues, y compris au cœur de lui-même. Voisin exemplaire.
“J’ai voulu écrire parce qu’il m’a semblé que ma sensibilité vieillissait, et qu’après il serait trop tard.” (Jean Reverzy s’adressant à Jean-Jacques Lerrant).
Vérité d’une vie qui, par l’écriture, se fait parchemin.
Et chaque soir se mène la même guerre lasse contre l’inachevé. La même guerre lasse contre la lassitude. Toujours.
[Les deux illustrations ci-dessus sont des photogrammes tirés du film Dans la ville blanche d’Alain Tanner (1983)]
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